24/02/2010

23 février 2010 9:00

Avertissement : Ce texte risque de sembler à certains/certaines un peu...morbide.
J'en suis désolée, mais j'ai besoin de l'écrire.
Si vous n'en avez pas envie, ne lisez donc pas jusqu'au bout...

Jusque là, j'avais été épargnée.
A vrai, dire, il me semble bien que ça fait 20 ans que je l'étais.
Souvent d'ailleurs, j'y pensais. Je me disais que cet état de grâce aurait une fin....
Fort cyniquement d'ailleurs, avec Monex, on prenait les paris.
On avait tablé sur ma grand mère en premier... Puis avec un peu de chance, ma mère. En espérant que ce serait ma mère.
Eh bien... Mon voeu s'est réalisé.

La dernière fois qu'il y a eu un décès dans ma famille, c'était mon grand père. Ne l'ayant que très peu connu, je n'ai eu que très peu de peine.
Par contre, bien sûr, ma mère oui.
J'ai à cette occasion été très efficace pour la consoler.
Alors qu'elle pleurait dans mes bras et que je ne savais que faire, je lui ai dit, comme on dit à un enfant : "C'est pas grave, va"....
Ah bin... Ca lui a donné un coup de fouet !
Elle s'est écartée de moi, plus en larmes du tout et m'a dit "Ah tu trouves !!!"
Soit.
Je m'étais un peu loupée.
Depuis, je m'écrase.
Je m'occupe de la logistique.

Lors de la mise en bière, mon père voulait que je vienne.
Paniquée, j'ai dit "non".
J'avais 18 ans, je n'étais pas prête à ça...
Il a insisté.
Toujours très douée, je lui ai dit "La prochaine fois".
Non vraiment ; j'étais à l'époque extrêmement douée....
Ma mère a tranché en lui disant "fous lui la paix !"
Mon père a marmonné "Et pourtant c'est la vie"
....
Il est marrant mon père non de dire "c'est la vie" pour une mise en bière ???

Toujours est-il que "la prochaine fois", ce fut ma mère....

C'est mon frère qui me l'a annoncé hier matin.
Il m'a appelée au boulot (je venais à peine d'allumer mon ordi), en pleurs.
Tout ce que j'ai compris a été "papa.... maman....mort".....
Sur le coup, j'ai compris que... mon père était mort.
Je me suis comme vidée en lui demandant de répéter.
Il a repris son souffle et m'a dit les choses intelligiblement : "papa vient de me dire que maman est morte".
Vous savez quoi ? C'est la PREMIERE fois que je l'entends appeler nos parents "papa" et "maman"... Il les a toujours appelé par leurs prénoms ou "le père Desorages", "la mère Desorages".... Dingue non ???
Ignoblement, j'ai été soulagée... Ce n'était pas mon père !

J'ai éteint mon ordi....
L3, en me voyant au téléphone et entendant mes paroles m'a demandé si ça allait.
Je n'ai pas répondu et suis partie...
J'ai appelé Monex ; il était très attaché à ma mère....
Je suis passée le prendre et nous sommes allés chez mon père.
Lorsque je suis arrivée, il s'est bien entendu jeté dans mes bras en pleurant.
Mais... J'ai senti qu'un poids se levait.
Pour lui... Pour moi.
J'ai très nettement vu la différence entre il y a 3 ans lorsque nous l'avons placée et là.
Il y a trois ans, il était littéralement démoli.
Il l'abandonnait ! Alors qu'il lui avait promis de s'occuper d'elle, il l'abandonnait...
Et puis... se séparer de la personne avec laquelle on vit 24h/24 depuis plus de 30 ans, avec qui l'on est marié depuis 50 ans et que l'on connait depuis 70 ans....
Alors que là, même s'il y a de la tristesse, il y a surtout du soulagement.
Elle ne marchait même plus....
Nous allons ENFIN pouvoir faire notre deuil ; un vrai deuil.
Pas un mini deuil à chaque fois qu'on y va.
Et moi, je vais enfin vivre sans mauvaise conscience, à me dire "t'as encore pas été la voir...."
Toutes les semaines, durant la smeaine complète, je me motivais en me disant "ce coup ci, ce WE tu ne te donnes pas le choix tu y vas".
Et puis... Le WE arrivait, et je me disais "non... pitié... une parenthèse... je suis bien, je veux pas y aller"... Parce qu'à chaque fois, ça me détruisait cette affaire...

C'est fou ce que les choses vont vite...

9h00 : le coup de fil de mon frère
10h00 : j'arrive chez lui
10h30 : nous partons à la maison de retraite signer les papiers.
Entre temps, nous avons le temps de discuter du choix : enterrement ou crémation ?
J'opte immédiatement pour la crémation ; mon père aussi.... Mon frère, en entendant ces mots ne supporte pas et sort....
11h00 : mon père signe les papiers
14h00 : rendez vous aux pompes funèbres. En 1/2h 3/4d'heure, c'est plié....
Putain... ça tient en pas grand chose une vie hein...
Au fait... "Si t'as pas 2000 euros, crève pas !!!"
Nota bene : penser à faire des économies pour le jour de mon décès afin de ne pas obliger ma fille à faire un crédit à la banque en face des pompes funèbres.
Et 2000 euros... C'est la formule de base !!!
Pas d'office, pas de transport dans une autre région, pas de cercueil de luxe, etc...
Non. Le truc simple.

15h00 : nous sortons des pompes funèbres... Il faut aller choisir des vêtements pour ma mère.
Je propose à mon père d'y aller. Normal non ?!
Il est gêné, ne veut pas m'imposer ça... Me demande si ça ne me dérange pas...
Je lui propose de débarrasser la chambre en même temps.
Je ne sais pas... Je n'aime pas trainer.... Je préfère... tourner la page rapidement.
OK... Il me remercie.

Je me dis que je choisirai les vêtements puis essaierai d'avoir le courage d'aller la voir au reposoir de la maison de retraite. C'est comme une grande décision que je prends, une épreuve à passer...

J'arrive à la maison de retraite et l'infirmière de service me dit "Elle est encore dans la chambre" en ouvrant la porte qui était fermée à clef...
Putain... Panique à bord... Non... Je n'étais pas préparée à ça ; c'était pas prévu comme ça... Non... Non...
Je respire un grand coup, me blinde, et... rentre.
....
Puis je demande à l'infirmière de me laisser seule.

Je n'avais jamais vu de mort... J'avais toujours lu que les morts avaient l'air enfin apaisés...
Mon cul oui.
Elle.. je trouve juste qu'elle a l'air perdue.. malheureuse...
Je croyais aussi qu'elle aurait les yeux fermés... Non...
Je m'assois à côté du lit et je pleure en la regardant.
Quel gâchis... Finir comme ça... Elle aimait tellement rire... Elle a fini comme une ombre...
Je veux la toucher, lui prendre la main mais j'ai peur.
Je n'ai jamais vu un mort, alors en toucher un...
Plusieurs fois, j'approche ma main mais la retire.
J'ai peur, vraiment... J'ai peur que ça me fasse un choc, que ça me marque et que ce soit cette image, cette sensation, qui me reste d'elle...
Mais je veux vraiment lui prendre la main encore une fois.. Elle est morte seule ; c'est un peu atténuer cette solitude. Lui donner un dernier iota de chaleur.
Je sais... C'est bête. Mais je ne sais pas pourquoi, j'ai besoin de le faire.
Alors je touche rapidement son bras, au dessus du vêtement.
Puis je pose ma main sur son bras....
Ca va... Je prends mon courage à deux mains, je me crispe et descends ma main sur la sienne.
Je m'attendais à ce qu'elle soit glacée, j'en avais peur, mais non. Elle est... à "température ambiante"...
Je lui prends la main et reste un peu comme ça, en pleurant doucement.
Des larmes de délivrance. Des larmes de pitié.

J'enlève précautionneusement le drap ; les aides soignantes s'en sont bien occupées. Elle est bien habillée, avec un pull vert. Sa couleur préférée. Ma Nefer, encore une fois, je vous tire mon chapeau et vous admire...
Par contre, je fais l'erreur de passer de l'autre côté du lit... C'est moins "beau" à voir...
Son regard est trouble, si... triste ? Etonné ? Déçu ?... Je détourne les yeux de son visage et ils tombent sur sa main.. Erreur encore une fois. Ses ongles sont "noirs". Je sais que c'est normal, mais c'est... choquant. Morbide.
Je retire rapidement le drap et retourne de l'autre côté.

Mon frère m'appelle pour me rejoindre. Lui non plus ne sait pas qu'elle n'est pas au reposoir.
Je le préviens, qu'il n'aie pas un choc en arrivant !
Et quand il arrive, je le préviens de rester de ce côté du lit....

16h00 : "Ils" viennent pour l'emmener à l'athanée...
Mon frère et moi sortons pour les laisser travailler... Quelques minute plus tard, ils sortent.
Elle est dans un sac plastique, avec le petite paquet que j'ai préparé dessus, dans un autre sac...

On est finalement peu de choses...

14 commentaires:

  1. Héraclite25/2/10 08:10

    Ma Chère Reine, la forte et courageuse, pleurons ensemble.

    La vie sans la mort ne serait pas la vie et les heures sombres contrastent avec les heures lumineuses.

    En ces heures sombres, rien d'autre ne vaut que l'infinie tristesse du deuil, les chants déchirants du Requiem, l'abattement devant l'hébétude d'être surpris par ce que tout le monde attend, cette fin sans laquelle tout ce qui vient avant n'aurait aucun sens.

    "Au tour du pain de rompre l'homme, d'être la beauté du point du jour" R. Char

    Et si la vie, ce que nous croyons être la vie, n'était qu'un avatar de l'être? Et si la vie n'était qu'une hypostase fugace? Et si l'esprit libéré n'accédait pas enfin à la plénitude intemporelle et subtile?

    En ces heures pénibles et douloureuses où la fille est contrainte de devenir la mère, le présent est marqué du passé et porte en lui les germes du devenir.

    Ne résistons pas aux émotions incontrôlables qui montent en nous. Laissons-nous aller aux pleurs et aux lamentations. Je pleure avec toi et bientôt nous rirons à nouveau ensemble.

    Héraclite

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  2. Avec toi ma Reine.

    Il écrit bien Héraclite... :-)

    Plein de bises

    L.

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  3. Héraclite écrit très bien.
    De tout coeur avec toi, bisous.

    Piba

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  4. Tu vois, pour moi, cette note n'est en rien "morbide", au contraire. Laissons-nous aller, comme l'a si bien écrit Héraclite.
    Mille pensées à toi, à vous. Sympho1

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  5. "On est bien peu de chose
    Et mon amie la rose
    Est morte ce matin
    La lune cette nuit
    A veillé mon amie
    Moi en rêve j'ai vu
    Eblouissante et nue
    Son âme qui dansait
    Bien au-delà des nues
    Et qui me souriait..."

    En lisant ta dernière phrase je pense immédiatement à cette très belle chanson de Françoise Hardy.

    Combien de fois j'ai pensé ce que tu as écrit, et dans ces moments tu te retrouves seul...On ne partage pas ce genre d'angoisse...
    Malheureusement ce jour fini par arriver, et on fait face à une dure réalité....

    Je suis de tout cœur avec toi. Sois forte...bisous

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  6. @ Héraclite

    S'il y a une chose dont j'ai toujours été consciente, c'est bien de la fragilité de la vie, et de sa préciosité, justement à cause de la mort.

    Quant à résister... Non.
    Autrefois, oui je résistais.
    Maintenant, j'accueille mes émotions, quelles qu'elles soient.

    Héraclite, il semblerait que tu écrives trop bien : tu me voles la vedette !
    Je vais t'interdire l'entrée de mon blog... Non mais ! :-)

    Bises Héraclite

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  7. @ Piba

    Voué voué, L l'a déjà dit... :-))))
    J'vais l'interdire de blog !!!
    Son prochain com' a intérêt à être bas de gamme !!!

    Merci de ton passage, Piba

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  8. @ Sympho

    Rhoooo toi aussi Héraclite t'a subjuguée ???
    Pffff m'en vais moi hein si ça continue !!

    Ma note est morbide dans le sens où je décris la mort brute, quand même...

    Bisous Sympho :-)

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  9. @ JanSheng

    Cette chanson, je la connais chantée par Natasha Atlas.
    Elle y ajoute un petit air oriental qui fait bizarre au début, mais qui séduit ensuite.

    C'est poétique... C'est vrai que la vie est fugace comme une floraison...

    C'est étrange parce quoi moi, ça ne m'angoisse pas.... Ca m'attriste, mais ça ne m'angoisse pas.
    Et puis tu sais, je pense que la nature fait bien les choses.
    Je pense qu'en vieillissant, tu en as marre et souhaites la délivrance.
    J'ai compris ça le jour ou ma grand mère m'a dit qu'elle avait mal partout, à tous les os de son squelette, et puis qu'elle ne voulait plus voir les gens autour d'elle s'en aller...
    Bon ; 97 ans, elle est encore là ;-)

    Bisous JanSheng, et merci pour cette chanson.

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  10. je veux pas faire ma flatteuse ni mon originale mais .... Héraclite ... il est doué d'une belle sensibilité mais il utilise de smots torp compliqués :)
    Ce qui est drôle avec les réaction concernant la note de ce poète, c'est que ta crainte de morbide s'est envolée ;)

    Comme Sympho, je ne dirais pas que cette note est morbide. Elle est crûe plutôt, face à cette réalité de mort à laquelle nous devons nous coller tôt ou tard. Une note désabusée aussi, une note qui révèle l'absurdité de notre orgueil de vie face à la manière dont, modestement, nous la finissons. L'enterrement, c'est pour les vivants, son rituel c'est pour supporter la transition depuis la terre. Celui, celle qui s'en va, il s'en fout je crois.

    Je t'embrasse ma belle
    Bulles

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  11. @ Bullette

    Ce n'était pas une crainte, de morbide, c'était un constat.
    Mais tu as raison ; le terme de morbide est peut être mal choisi ; peut être aurais-je du dire "crue"....

    Une note désabusée ??
    Tiens... J'aurais, en fait, dit "une note factuelle".

    Bien entendu que tout le tralala qui va avec est pour les vivants !! Celà va de soi ! Le mort,entre nous, qu'est ce qu'il en a à foutre !!
    Ceci étant dit, je prends ces derniers gestes comme des hommages, du respect de la personne telle qu'elle était, dans ce qui la constituait.
    Par exemple, elle était très gaie (jusqu'à un moment donné hein ; parce qu'après... elle n'était plus rien) ; alors pour moi, faire un enterrement "gai" est un devoir, un hommage.
    Quand je dis "gai", c'est par exemple pas de couronnes, pas de gerbes, mais des bouquets ; de beaux bouquets. Elle aurait eu horreur des couronnes...

    Bon ; bin pour un dimanche dis donc, ça le fait !

    Bon j'crois que j'vais filer les clefs de mon blog à Héraclite et partir en vacances moi hein !!!

    BizBulles

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  12. mais une note factuelle sur un tel sujet, ça a un côté désabusé non ?

    Oui, bon dimanche aussi !
    Il vente à Paris, un truc de dingue ...
    Bisous !

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  13. Nan.
    Un coté réaliste.
    Pour être désabusée, il faut avoir été abusée.
    Or... ce n'est pas le cas !

    C ça ouais, bon dimanche... de ménage!
    Pffff !!!

    BizB

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Moi, ce que j'en dis de ta note, c'est que...