Etre à sa place

"Juste poser ma tête sur sa poitrine et sentir son coeur battre sous ma joue" Voilà ; ça a commencé là.
C'est là que j'ai commencé à avoir les boules.
Ah pas de la jalousie hein !!! Si elle savait comme je suis heureuse à chaque fois qu'elle le voit !!!
Comme si c'était une confirmation que "c'est possible"...

Non ; les boules de... les boules de... je sais pas ; la gorge qui se serre.
C'était un mauvais jour déjà...
J'étais déjà au bord des larmes lorsque j'ai lu ces mots.
Au bord des larmes de rage, d'impuissance, d'envie d'hurler mais ne pas pouvoir, à cause du boulot.
Je me bats, je me démmerde, je me démène, mais... rien.
L'impression de patauger dans la semoule, de pédaler dans la choucroute.

Et puis je lis ses mots, et je me dis "Et moi ?" comme l'enfant qu'on a oublié lors de la distribution de bonbons...
Et moi, je ne le mérite pas ?
J'ai quoi qui cloche ?
Je ne demande pas grand chose de plus que de "poser ma tête sur sa poitrine et entendre son coeur battre".
A vrai dire, je ne demande rien de plus car lorsqu'on fait ça, comme ça, c'est... qu'on est arrivée. A sa place.
Qu'on est tellement bien ensembleS qu'on n'a plus besoin de mots ou de gestes.

D'ailleurs, c'est lorsque je suis arrivée au passage ou elle dit avoir "Le sentiment que tout se remet en place, qu'elle est là où elle doit être" que la boule dans ma gorge s'est faite un peu plus grosse, que j'ai eu un peu plus de difficultés à déglutir.
Que mes yeux ont commencé à avoir chaud...
Est-ce que j'ai déjà eu ça ??
Je ne sais pas... Je suis toujours tellement celle sur qui l'on s'appuie, justement. Celle sur laquelle les hommes posent leur tête...
Je crois pas avoir jamais eu droit à ça.
J'ai cru y avoir droit, mais... non.

Et puis je suis sortie en lisant "à la fin du repas remettre son armure et partir..."
Pleurer en plein open space, ça fait pas glamour...
Dans les toilettes, c'est beaucoup plus classe.

Ah cette armure, ce masque que l'on met pour faire face au monde, pour porter et supporter tout.
Je me suis imaginé le petit goût de nostalgie qu'elle a du avoir en voyant l'armure se remettre bien en place.
Tout comme je l'ai imaginé, lui, remettre naturellement sa protection, redevenir un autre pour lui même, et lui même pour les autres...
Je l'ai "vu" se transformer.

Etre à sa place... Enlever son armure... Que l'autre l'enlève aussi... Simplement, sans rien attendre de plus...
Tout simplement...

(je sais, j'ai déjà utilisé cette illustration de Doisneau, mais je trouve qu'elle leur ressemble tellement que... c'était celle là et aucune autre)